Last updated on 30/11/2024
Last updated on septembre 30, 2019
Mirindra est un étudiant de 25 ans à Ankatso, il étudie l’agro et est également stagiaire pour CliMates international, un think et do tank de jeunes sur le climat. Cela fait 7 mois qu’il a pris part à des activités associatives pour construire des sociétés plus justes et équitables pour tou.te.s.
Assis face à son ordinateur, Mirindra travaillait quand je suis arrivée dans le salon du Terrier, là où il fait son stage en ce moment. Il avait les cheveux en bataille et l’air très concentré sur sa tâche. Un peu troublé et timide, il me confie que c’est sa toute première interview.
Il me raconte que quand il étudiait l’économie, il avait suivit un module sur l’environnement et qu’il s’était rendu compte très rapidement de l’impact non négligeable du changement climatique sur notre développement :
“J’ai décidé de m’engager et d’approfondir mes connaissances [sur le changement climatique]. J’ai compris que peu de gens ont conscience de cette réalité. Que pour eux, globalement, ce n’est pas une urgence, Le changement climatique est souvent vécu comme une fatalité à laquelle on ne peut rien faire, et ça m’a attristé. C’est à cette période que j’ai décidé de faire quelque chose, et j’ai rencontré CliMates.”~Mirindra
Depuis, le jeune homme a intégré la formation YLFCC ou Youth Leaders Fighting Climate Change de la FES (Friedrich Ebert Stiftung), et a pris une place importante au sein de l’association dont il est membre.
Les mains posées sur son genou, il me parle de ses héros et héroïnes : “Greta par exemple, m’inspire. C’est une petite fille de 16 ans qui arrive à mobiliser des millions de gens. Elle parvient à faire ce que nous, nous n’avons pas encore réussi à faire. C’est grâce à son discours et à sa façon de s’exprimer, elle s’appuie par la science. Au niveau local, il y a des personnes comme Marie-Christina Kolo, et d’autres femmes, qui sont remarquables de par leurs réalisations, les profs de ma fac aussi avec leur manière de nous enseigner et au travers de leurs convictions personnelles.”
Toutefois, Mirindra ne se positionne pas comme un activiste.
“Je préfère me définir comme un spéculateur d’avenir.” me dit-il avec un sourire amusé et plein d’humilité à la fois. “Sans rêve on ne peut pas avancer. Je trouve que dans la manière dont on communique aujourd’hui, au niveau des média de masse, on persécute un peu les gens.” Il rit.
“Je pense qu’on devrait mettre encore plus l’accent sur les alternatives : donner des perspectives. Sans rêve on ne peut pas avancer”
Au fil de la conversation, Mirindra se détend et se met à parler avec les mains dans un enthousiasme particulièrement communicatif.

“J’aimerais qu’on puisse mettre en place des démocraties plus participatives, où on inclurait tout le monde dans les processus de décision” me répond-il quand je lui demande quelles seraient ses modèles de sociétés.
Il me parle aussi de ses références : “Je suis fan de science fiction. Je pense que la technologie peut être associée à la nature, elle doit être au service de la nature. Les gens peuvent regarder ce qu’est le Solarpunk où il n’y a pas cette hiérarchie des choses et des solutions.”
Ca me met des pépites dans les yeux de l’écouter parler de ce mouvement à la base littéraire, puis esthétique qui est né il y a quelques années pour contrer les narratives pessimistes et les dystopies. Il est convaincu que d’autres mondes sont possibles et je ne peux que le rejoindre sur cette position.
Nous évoquons ensemble les manières d’agir à Madagascar : “si on est pas dans un parti politique ou dans des institutions, on a pas de force de pression. La société civile n’a pas le rôle aussi important qu’elle devrait avoir dans les politiques publiques. Il y a ce qui avait été fait pour la loi de finance mais rien d’équivalent pour l’environnement et le climat”.
Mais que peut-on faire dans ce cas-là ?
“Il faut se créer nos propres moyens, déjà en rencontrant les personnes qui partagent nos convictions. Il existe plusieurs réseaux, comme celui du GT-CC ou du RCOI. Plus on se coordonne, plus on est plus fort. C’est important l’action en réseau dans le combat que nous menons.”dit-il.
Mais que pense-t-il des COPs, là où justement tous les dirigeants du monde se réunissent pour se coordonner ?
Mirindra est plus mitigé : “Nous ne sommes pas vraiment prêts à sacrifier. D’ailleurs, c’est une terminologie compliquée ça, “sacrifier”.
C’est ça qui crée le blocage pour beaucoup, selon moi. On pense qu’il faut se développer au détriment de l’humanité et ça en devient une forme d’esclavage moderne. Mais dans le même temps on voit que les décideurs souhaitent, dans leurs paroles, mobiliser toute la population. Mais, les Accords de Paris, c’est surtout une politique d’atténuation alors qu’on devrait se focaliser plus sur l’adaptation vu que 2050 et 2100 c’est la porte à côté : on joue contre la montre.
« J’attends beaucoup qu’on mette en oeuvre les Accords de Paris et j’agis au niveau locale. Je fais des éco-gestes bien qu’à un niveau individuel ça ne va pas changer le climat, et je met en valeurs les gens et leurs initiatives. C’est une lutte non pas solitaire mais solidaire.”
Mirindra travaille sur l’amélioration d’outils de mobilisation et de formation pour les jeunes concernant les processus de COP : le jeu de simulation COP in MyCity. Il a également lancé un cycle de conférences sur les alternatives de vie et la vulgarisation des sciences du climat. Il aimerait parler de Solarpunk et de la force des représentations pour réenchanter une jeunesse malagasy parfois trop désabusée.
Quand je lui demande s’il a un message à faire passer, il rit de nouveau :
“J’aimerais citer les paroles d’une chanson de Rage against the machine, Guerilla Radio :
It has to start somewhere
It has to start sometime
What better place than here
What better time than now?”
Sur cette note musicale, je laisse Mirindra retourner à sa mission en espérant que d’autres rejoignent le mouvement, si ce n’est celui des activistes pour le climat, celui des spéculateurs d’avenir.
Portrait réalisé par Jay Ralitera, Exploratrice de possibles